Mme Sarah Legrain appelle l’attention de M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer sur le silence assourdissant du Gouvernement concernant les féminicides commis en France.
En moins d’un mois, c’est la deuxième fois qu’elle l’interpelle à ce sujet. Et pour cause. Depuis le début de l’année 2023, 17 femmes ont été tuées en France parce que femmes.
Entre le 7 et le 14 février 2023, pas moins de 5 femmes ont été retrouvées mortes, dans l’indifférence générale. Pas un mot du Président Macron, ni de la Première ministre, ni du ministre de l’intérieur. Pas même une minute de silence symbolique. Face à un tel silence, Mme la députée juge utile de rappeler ne serait-ce que la série noire de la semaine du 7 au 14 février.
Cette semaine sanglante démarre mardi 7 février 2023, lorsqu’une femme de 43 ans meurt brûlée vive dans l’incendie de son appartement à Yvetot (Seine-Maritime). L’épisode macabre se poursuit samedi 11 février, quand Flora, 34 ans, mère de quatre enfants, décède à l’hôpital après avoir été retrouvée inanimée à son domicile de Bondy (Seine-Saint-Denis) par les secours. Lundi 13 février, Neda, 51 ans, est tuée de treize coups de couteau dans un hôtel social à Sevran (Seine-Saint-Denis). Le même jour, dans le parc des Buttes-Chaumont, des agents municipaux découvrent les morceaux du corps d’Assia, 46 ans, enfermés dans des sacs-poubelle. Son mari a avoué le meurtre. Enfin, mardi 14 février, le corps sans vie de Laure, 28 ans, est découvert à son domicile de Lisieux (Calvados), tuée à l’arme blanche. Soupçonné, son ancien compagnon contre qui elle a déposé plainte pour violences conjugales en janvier 2022 est activement recherché.
Entre le moment où cette question est déposée et celui où le ministère de l’intérieur daignera répondre, il se sera certainement écoulé 180 jours, délai moyen de réponse aux questions écrites à l’Assemblée nationale. Si tant est qu’elle fasse partie des 70 % ayant obtenu une réponse, comme l’indique le site de la Chambre basse.
Or dans 180 jours, si l’on s’en tient au décompte des dernières années, c’est-à-dire au fait que tous les 2 jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint ou sont ex-conjoint, 90 femmes pourraient trouver la mort. Dans 180 jours, selon toute probabilité, on se contentera encore des quelques miettes laissées trois ans après un « Grenelle » censé avoir sonné la mobilisation générale : quelques places d’hébergement créées, lancement d’une mission parlementaire pour améliorer le traitement judiciaire des violences, mobilisation des forces de police et de gendarmerie, ou encore l’expérimentation partielle de la prise en charge des auteurs de violences conjugales. Dans 180 jours, le ministère de la justice, en s’appuyant sur son rapport de 2019, dira peut-être encore que 65 % des féminicides pourraient être évités si les plaintes étaient prises au sérieux.
En 2022, selon le décompte du Gouvernement, 122 femmes ont été tuées, contre 102 l’année précédente, soit une hausse de 20 %. Autrement dit, non loin d’un Bataclan chaque année, pour reprendre l’image choc d’Alice Coffin. Ces vies valent-elles moins que les autres ? Elle lui demande quand enfin le ministère de l’intérieur se dotera des moyens nécessaires pour éradiquer les féminicides.