Il y a un an Said Ben Said évoquait une : “vulgate mensongère, que les politiques véhiculent par cynisme, par opportunisme ou par ignorance, selon laquelle le cinéma serait un secteur d’assistés”, précisant que “tout l’argent qui y circule sous forme d’aides vient du secteur audiovisuel, et pas du tout des impôts”, avant de s’inquiéter d’une dérive vers la volonté de soumettre le fonctionnement des aides sélectives du CNC, destinée aux projets artistiquement et culturellement importants, mais mal armés pour affronter le marché, à une approche fondée sur les performances économiques.
De son côté, la SRF dénonçait en juillet 2022 un « brouillage grandissant des frontières entre cinéma et audiovisuel, la redistribution des aides en faveur de films déjà soutenus par le marché, et la multiplication des critères de performance et de rentabilité ».
Justine Triet, notre Palme d’Or, s’est fait le relais de ces alertes sur les logiques de marchandisation menaçant l’indépendance et la diversité du cinéma français. L’accueil hostile qu’a pu recevoir son discours semble confirmer la difficulté à sortir d’un certain regard sur le cinéma français. Le récent rapport de la Cour des comptes pour une meilleure “efficience” et “lisibilité” du pilotage du CNC, évoquant notamment un “surfinancement public à l’échelle de la filière”, me paraît prolonger ces attaques.
Comment faire pour que les critères de rentabilité et de compétitivité de l’industrie cinématographique française ne prennent pas le pas sur l’objectif de vitalité et de diversité de notre “exception culturelle française” ? Quels infléchissements pour que la redistribution reste au cœur du fonctionnement du CNC, quelle éventuelle redéfinition du label Arts et Essai ? Quid des programmes du CNC qui contribuent à financer le développement de l’intelligence artificielle, alors qu’elle se révèle être une menace pour le respect des droits d’auteurs.
Enfin, j’aimerais passer de la question du financement de la diversité à celle de la diversité du financement.
Aujourd’hui, France Télévision participe à hauteur de 60 millions d’euros par an, tandis que le groupe Canal + investit 200 millions d’euros, après d’âpres négociations sur la chronologie des médias. Quand on sait les menaces qui pèsent sur le budget de l’audiovisuel public depuis la suppression de la redevance, et d’autre part les phénomènes de concentration croissante dans le secteur de l’industrie culturelle, notamment sous la houlette de Bolloré, n’y a‑t-il un risque de manque de diversité et donc d’indépendance dans le financement du cinéma français ?