Le 01 aout 2022,
Monsieur le Préfet de police,
Le 24 septembre dernier, votre prédécesseur, monsieur Didier Lallement, prenait la décision d’installer la scène ouverte de consommation de crack dans le square Forceval, porte de la Villette, aux limites des XIXe arrondissement de Paris et des communes d’Aubervilliers et Pantin.
Depuis cette date, habitant·es, collectifs de riverain·es, associations et élu·es n’ont cessé d’interpeller les pouvoirs publics pour demander des solutions pérennes d’accompagnement sanitaire et social des consommateurs et consommatrices de drogues et que le quartier retrouve sécurité et tranquillité.
Ces démarches se sont heurtées à un mur d’indifférence. La seule réponse des pouvoirs publics face à cette détresse peut tristement se résumer à la construction d’un mur, pour bloquer le passage Forceval, et la poursuite en justice de 3 habitants de Pantin qui avaient fait part de leur indignation en inscrivant des slogans sur ledit mur. Malgré les nombreux appels lancés en direction de la Préfecture de police de Paris, de la Préfecture de région, du gouvernement, le dialogue reste très largement absent, et les solutions plus encore.
Presque un an après le début d’une situation qui, selon les mots prononcés devant la représentation nationale par le ministre de l’Intérieur, ne devait durer que « quelques heures, quelques jours », la situation est tragique, et ne cesse d’empirer. Des centaines d’usager·es de la drogue abandonné·es sans assistance sanitaire ni sociale ; deux au moins sont morts dans des circonstances tragiques. Des réseaux criminels de trafic laissés libres d’agir à ciel ouvert, au vu et au su de toutes et tous. Des milliers de riverain·es qui subissent la dégradation de leur cadre de vie et une insécurité qui va des incivilités aux agressions. Des commerçant·es qui n’en peuvent plus de voir leur activité se tarir. Bref, c’est un véritable scandale, qui donne à voir un gouvernement impuissant et indifférent au sort des citoyen·nes, en particulier dans les quartiers populaires, où il laisse se concentrer les difficultés.
Plus largement, la situation que connait aujourd’hui la porte de la Villette n’est que le dernier épisode d’une crise du crack qui se prolonge depuis des années dans l’ensemble du nord-est de l’agglomération parisienne, sans réelle réaction de la part des autorités. Déplacer le point de fixation de la consommation de crack d’un site à un autre, comme cela a été entrepris jusqu’à présent, n’apporte aucune solution durable, ni pour le suivi médico-social des consommateurs et consommatrices de drogues, ni pour la lutte contre les filières qui organisent les trafics, ni pour la sécurité des riverain·es.
Élu·es de Paris et de Seine-Saint-Denis, nous n’acceptons pas cet état de fait. Nous sommes convaincu·es qu’une autre politique est possible. En assurant l’accompagnement sanitaire et social des victimes de la drogue au plus près du terrain. En mettant en place des capacités d’hébergement et de suivi médical suffisantes et équitablement réparties dans l’agglomération parisienne, pour que les mêmes quartiers n’aient pas toujours à subir seuls les difficultés. En déployant également les moyens policiers nécessaires pour garantir la sécurité du quotidien et la tranquillité des riverain·es et lutter contre les filières trafic de crack.
Pour mettre en œuvre ces solutions, il importe dans un premier temps que l’État renoue le dialogue, de manière constructive, avec les associations, les élu·es et riverain·es, ignoré·es et malmené·es au cours des dernières années.
Rompre avec la méthode qui a conduit à l’impasse actuelle, et agir résolument pour en finir enfin avec la crise du crack : voilà ce que les citoyen·nes que nous représentons attendent aujourd’hui de vous, monsieur le Préfet de police. Nous formons le vœu que vous sachiez les entendre. Afin de porter leur message et de poser les bases d’un nouveau travail commun, au service de l’intérêt général, nous serions heureux et heureuses de pouvoir fixer une rencontre avec vous-mêmes et vos services, dans les meilleurs délais possibles.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, monsieur le Préfet de police, l’expression de notre plus haute considération républicaine.
Sarah Legrain – députée de Paris
Bastien Lachaud – député de Seine-Saint-Denis
Danièle Obono – députée de Paris