Sarah Legrain

La politique culturelle de la France ne se cache pas dans nos territoires ultramarins

Depuis deux ans, d’alertes en alertes sur l’état de crise dans lequel se trouve le sec­teur cultu­rel, j’in­ter­pelle la Ministre Rima Abdul Malak : où est la poli­tique cultu­relle de la France ? 

Une chose est sûre : elle ne se cache pas dans nos ter­ri­toires ultra­ma­rins. Nous ne pou­vons que par­ta­ger le constat dres­sé sur les dif­fi­cul­tés que ren­contrent leurs lieux de culture et, notam­ment, leurs cinémas. 

Par­tout, aux années noires de la crise covid se sont ajou­tées celles de l’inflation, fra­gi­li­sant l’équilibre éco­no­mique des salles. Mais celles d’outre-mer font face à des dif­fi­cul­tés spé­ci­fiques, à des coûts d’exploitation et d’in­ves­tis­se­ment bien plus éle­vés. Leur éloi­gne­ment géo­gra­phique et les normes de sécu­ri­té sis­miques et anti­cy­clo­niques ont un réel impact sur leur rentabilité. 

Mon groupe s’est sai­si de ces enjeux. Jeu­di, lors de notre niche, nous comp­tons bien obte­nir la créa­tion d’une com­mis­sion d’enquête sur la ges­tion par l’État des risques natu­rels majeurs dans ces ter­ri­toires. Concer­nant plus spé­ci­fi­que­ment les ciné­mas d’Outre-mer, j’ai dépo­sé un amen­de­ment au bud­get visant à les sou­te­nir ; amen­de­ment balayé dans cette même commission. 

Venir en aide aux salles de ciné­ma d’Outre-mer ? oui, mille fois oui. 

Ceci étant dit, je crains que cette pro­po­si­tion de loi ne soit une fausse bonne idée. Elle fait repo­ser sur les dis­tri­bu­teurs un effort qui devrait être assu­ré par l’Etat pour com­pen­ser les rup­tures d’égalité subies par la popu­la­tion ultra­ma­rine. En pla­fon­nant à 35% le taux de loca­tion, elle ne tient pas compte de la diver­si­té des situa­tions des ter­ri­toires et des acteurs, dont le phé­no­mène de la sous-dis­tri­bu­tion. Elle fait cou­rir des risques non seule­ment à un maillon déjà fra­gi­li­sé de l’écosystème du ciné­ma, les dis­tri­bu­teurs indé­pen­dants, mais aus­si aux salles ultra­ma­rines elles-mêmes et à leurs publics : le risque d’amoindrir la diver­si­té cultu­relle en outre-mer. 

L’ensemble des syn­di­cats de la dis­tri­bu­tion, ain­si que la CGT, FO, la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC, s’opposent d’une voix com­mune à ce texte. J’entends leurs réserves. Tout comme il y a une diver­si­té d’acteurs plus ou moins fra­gi­li­sés dans les ter­ri­toires trans­océa­niques, il y a une diver­si­té de situa­tions éco­no­miques pour les dis­tri­bu­teurs. Ce n’est à nos yeux ni à nos com­pa­triotes d’outre-mer ni aux dis­tri­bu­teurs indé­pen­dants de faire les frais du peu de cas que l’Etat fait des dif­fi­cul­tés spé­ci­fiques ren­con­trées par ces territoires. 

Nous ne pour­rons donc pas voter ce texte, mais vous nous trou­ve­rez tou­jours à lut­ter contre l’abandon des ter­ri­toires ultra­ma­rins et à œuvrer pour une vraie poli­tique culturelle. 

Partagez cette page

Twitter
Facebook
WhatsApp
Telegram
Email
Imprimer