Mme Sarah Legrain interpelle Mme la ministre de la culture et M. le ministre de l’éducation nationale sur la potentielle fermeture du lycée Brassens avec redéploiement de ses effectifs au lycée Bergson à la rentrée 2023. La fermeture de ce lycée général s’inscrit dans le cadre d’une vague de fermetures imminentes de sept lycées parisiens, tous décrits comme « à taille humaine », et tous délivrant des enseignements professionnels ou techniques singuliers.
Le lycée Brassens, lycée général et technologique, est l’un des rares établissements parisiens accueillant des élèves musicien·nes et danseur·ses originaires de tout Paris voire de Seine Saint Denis ou d’autres départements non franciliens. Sa création en 1993 a été impulsée par l’ancien ministre de la culture, M. Jack Lang, pour accueillir les élèves du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris trois ans après son installation à la Cité de la Musique, sise Porte de Pantin. Ce lycée permet à des élèves artistes de haut niveau de pousser leur scolarité jusqu’au baccalauréat, et parfois jusqu’à l’enseignement supérieur, grâce à des horaires aménagés mais aussi à un suivi personnalisé de l’équipe enseignante.
Mme la députée s’étonne tout d’abord de la brutalité de cette opération de fusion, découverte avant les vacances scolaires et manifestement tenue cachée aux premiers concernés : ni les professeurs, ni les parents, ni les élèves n’ont été avertis – et a fortiori consultés – alors que le calendrier concernerait la rentrée prochaine ! Et pourtant, cette méthode en catimini n’aura pas suffi à éviter une réaction ! La communauté éducative se mobilise, soutenue par les syndicats enseignants ; une pétition contre la fermeture du lycée Brassens a déjà recueilli plus de douze milles signatures, dont celles d’artistes célèbres comme Imany ou Cédric Klapish.
Elle s’étonne aussi des arguments avancés pour la fermeture de l’établissement. La Région Île-de-France parle de vétusté. Or elle a investi des dizaines de milliers d’euros depuis 2020 pour rénover les locaux : peintures, éclairages, rénovation de la salle de danse, équipement du laboratoire de science, etc. Le Rectorat évoque la baisse des effectifs, le lycée ne comportant que 206 élèves alors qu’il en avait entre 354 et 375 il y a 5 ans. Mais selon les équipes éducatives qui s’y sont justement opposées, cette baisse vient d’un choix délibéré du Rectorat de Paris de renforcer des critères d’admission et de refuser notamment nombre d’élèves provenant de Seine-Saint-Denis ! Enfin, les promoteurs de la fusion avec le lycée Bergson mettent en avant la mixité sociale qu’elle y permettrait : un argument incompréhensible au vu du choix de durcir les critères d’admission à Brassens, et de ne pas entendre la proposition de l’équipe enseignante d’y ouvrir justement des classes de seconde accueillant des élèves du secteur en cursus classique avec une option de découverte artistique. A l’inverse, en quoi l’arrivée de classes à horaires aménagés et à besoins spécifiques (en termes d’enseignement, de suivi mais aussi de locaux et de matériel) au lycée Bergson comportant déjà plus de 1000 élèves – environ 1400 en comptant le collège – sans projet concerté avec les équipes éducatives, lui serait nécessairement profitable ? C’est dans la refonte de la carte scolaire et la lutte contre le contournement scolaire et la concurrence déloyale de l’enseignement privé qu’il faut chercher les leviers de la mixité, non dans la création d’énormes établissements à taille inhumaine.
Derrière ces faux arguments en faveur de la fusion, c’est une réelle fermeture qui est à craindre : avec la détérioration des conditions d’apprentissage, il y a fort à parier que les effectifs continuent de se tarir et que le nombre de classes artistiques diminue, pendant que nos jeunes artistes désireux de ne pas renoncer à leur scolarité devront se tourner vers les cours par correspondance ou des établissements privés. Cette fusion ne semble donc correspondre ni aux besoins du lycée Brassens, ni à ceux du lycée Bergson. Ne répondant à aucune logique pédagogique ou artistique, elle semble le triste fruit d’une sempiternelle quête d’économies.
Elle demande donc à Mme la ministre de la culture et à M. le ministre de l’éducation nationale s’ils sont prêts à écouter les alertes et propositions alternatives de la communauté éducative, ou s’ils laisseront Mme Valérie Pécresse amputer aveuglément Paris de ses fleurons pédagogiques, techniques et artistiques.